Les amants, en effet, regrettent le bien qu’ils
ont fait, une fois que leur désir est éteint. Ceux qui n’ont pas d’amour, au contraire, n’ont
jamais occasion seyante au repentir, car ce n’est point par contrainte, mais librement, comme
s’ils s’occupaient excellemment des biens de leurs demeures, qu’ils font, dans la mesure de
leurs moyens, du bien à leurs amis. Les amants considèrent en outre, et les dommages que
leur amour fit à leurs intérêts et les largesses qu’ils ont dû consentir ; puis, en y ajoutant la
peine qu’ils ont eue, ils pensent depuis longtemps avoir déjà payé à leurs aimés le juste prix
des faveurs obtenues. Par contre, ceux qui ne sont pas épris ne peuvent, ni prétexter les
affaires négligées par amour, ni mettre en ligne de compte les souffrances passées, ni alléguer
les différends familiaux qu’ils ont eus. Exempts de tous ces maux, il ne leur reste plus qu’à
s’empresser de mettre en acte tout ce qu’ils croient devoir leur donner du plaisir.
Autor: Plato